Veuve et libre 5/5

Publié le par Sélène Alys

Lorsqu’Iul parvint enfin au faîte du mur, se fut pour voir les cordes rattachées aux poteaux, les traces de sang coulant vers les égouts, et Clélia portée par deux gardes vers l’intérieur de la maison. Il ne la voyait que de dos… son chemisier était déchirée, révélant d’innombrables stries rougeâtres.
Il sautait à bas du mur, bien décidé à la tirer de là, lorsqu’il reconnut les lieux. Cette porte par laquelle Clélia disparaissait… c’était celle où se trouvait cette pièce sombre où il l’avait trouvée des mois plus tôt, ravagée par la terreur.
Soit de l’autre côté des appartements du maître des lieux. Cela, au moins, il en était sûr, pour s’être introduit ici à l’époque dans le but de voler des bijoux gardés dans sa chambre.
Il se résolu à laisser Clélia disparaitre. Pas pour longtemps, bien sûr.
Il attendit d’être seul dans la cours pour se diriger vers les appartements d’Aidrian.
Lui mort, Clélia ne risquerait plus rien.
*
Elle fut jetée sans ménagement au fond de sa cellule. Les gardes refermèrent prestement la porte, la laissant une nouvelle fois seule. Cette fois-ci, elle ne se jeta pas contre la porte pour essayer de sortir ; elle en était incapable.
Le seul bon point dans cette situation, c’était que cette fois-ci, elle n’était pas attachée. Aidrian avait dû penser que dans son état, elle ne pourrait pas faire grand-chose pour se sauver.
Il avait raison.
Epuisée, elle fut incapable de se relever malgré ses efforts. Alors, elle se roula en boule sur le sol et ferma les yeux.
*
Iul suivit Aidrian à la trace. Celui-ci avançait si lentement que le rattraper s’avéra d’une facilité déconcertante. L’homme semblait dépourvu d’énergie. Torturer Clélia avait-il été si fatiguant ?
Iul resserra sa prise sur la poignée de son couteau. Plongé dans les ombres, même si le petit seigneur se retournait, il ne pourrait pas le voir. Il continua à le suivre à pas prudents, jusqu’à ses appartements, qu’il ne prit même pas la peine de verrouiller.
N’avait-il donc aucune jugeote ? N’imaginait-il pas qu’Iul reviendrait ? Pouvait-il vraiment croire qu’il laisserait Clélia seule avec lui ?
Assis dans les ombres, il attendit patiemment qu’Aidrian se décide à éteindre la lumière. Cela pris longtemps, si longtemps qu’Iul regretta de ne pas avoir décidé de libérer Clélia avant de s’occuper d’Aidrian.
Après un temps qui lui parut interminable, la lumière des chandeliers disparut enfin sous la porte. Iul attendit dix minutes supplémentaires, afin de s’assurer qu’Aidrian dormait pour de bon, avant d’ouvrir précautionneusement.
Il s’était trompé. Aidrian ne dormait pas. Non, il se retournait dans son lit, tel un homme en proie à des conflits moraux insolubles.
Pensait-il seulement à sa femme ? Comprenait-il que ce qu’il faisait était d’une cruauté sans nom ?
A pas furtifs, Iul se rapprocha du lit.
Ce fut aussi facile que rapide. A peine eut-il la possibilité de voir une lueur de compréhension dans le regard de sa victime lorsqu’elle sentit la froide lame du couteau sur sa gorge. Une lueur qui s’éteignit bien vite.
En seulement quelques secondes, l’homme qui avait hanté l’esprit de Clélia venait de disparaitre.
Rapidement, Iul quitta la pièce, aussi silencieux qu’une ombre meurtrière.
*
Alors qu’elle s’était attendue à pouvoir passer la nuit dans une bienheureuse solitude, Clélia eut la désagréable surprise d’entendre la porte s’ouvrir. La lueur traversa ses paupières en la tirant de la torpeur dans laquelle son état l’avait plongée.
Mue par un instinct vieux de plusieurs mois, elle recula vers le mur le plus éloigné sans se soucier de ses blessures qu’elle malmenait ni du sang qu’elle répandait derrière elle.
A aucun moment elle ne leva les yeux vers celui dont les pas raisonnaient dans la vacuité de sa cellule. Un frisson de terreur eut la force de la parcourir de part en part lorsqu’elle sentit la main se poser sur sa joue. Elle leva faiblement la sienne pour la repousser, persuadée que cela ne servirait à rien.
-Ne t’inquiète pas, murmura l’intrus.
A sa surprise, la main se retira après lui avoir prodiguée une douce caresse.
Elle leva enfin les yeux vers lui.
Iul se tenait devant elle. Son foulard était baissé, ses vêtements couverts de sang. Il posait sur elle ce regard si doux qui l’avait si vite séduite :
-Aidrian est mort, murmura-t-il, comme pour atténuer la dureté de ses mots et la froideur de son ton. Tu n’as plus rien à craindre de lui.
Cette nouvelle noua une boule dans sa gorge. Elle ouvrit la bouche pour parler, mais seul un son étranglé en sorti.
Elle n’aurait jamais être si heureuse en apprenant la mort de son époux.
-Je suis veuve ? parvint-elle à prononcer d’une voix étranglée.
Iul lui saisit la main et la porte à ses lèvres :
-Veuve et libre.
 
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Publié dans Nouvelles : autres

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