Le pirate et l'Exorciste 1 - Bienvenue à la mort du temps 2/8

Publié le par Sélène Alys

Les rats la suivirent jusque sur le pont. Les pirates la regardaient passer, un voile devant les yeux. Ils savaient qu’elle n’était pas encore très puissante – elle n’avait que dix-huit ans – pourtant, nul ne savait réellement de quoi étaient capable les Exorcistes, à part eux-mêmes.
Les matelots détournèrent le regard à son approche. Cela aussi, elle y était habituée. Malgré tous les services que pouvaient rendre les Exorcistes, ils étaient souvent détestés. Pas autant que les incubes… mais presque. Les matelots encore en vie étaient agenouillés sur le plancher, les mains derrière la tête, un pirate armé d’un sabre derrière chacun d’eux.
Ils auraient dû avoir plus peur des pirates que d’elle, mais bon…
Un homme se détacha de la foule. Imposant. Pas physiquement, non. Il possédait une aura inquiétante, un charisme effrayant. Pourtant, il avait l’apparence d’un homme d’une trentaine d’année, ni très grand, ni très large, ni très beau, ni très laid… commun. Cependant, il y avait dans son regard une lueur angoissante, une petite lueur qui indiquait que cet homme n’était pas très sain d’esprit et qu’il valait mieux le laisser en paix.
Ce que Sandra était incapable de faire.
Au lieu de baisser les yeux et de faire sagement semblant d’être une passagère inoffensive, elle lui rendit son regard avec arrogance. Les rats allèrent se mêler à la foule, provoquant des remous anxieux – la peur de la mort, toujours cette bonne vieille peur qui aidait tant les Exorcistes.
-Voici donc la jeune Exorciste que nous recherchions, dit l’homme en s’inclinant.
Elle ne lui rendit pas son salut. Au lieu de cela, elle garda le regard fixe, tentant de ne pas voir les fantômes qui se promenaient partout autour d’eux, ni leurs lamentations.
[Que se passe-t-il ?]
[Je suis mort ?]
[Pourquoi est-ce que j’ai le ventre ouvert ?]
[Mademoiselle ! Mademoiselle, aidez-moi !]
[Pourquoi personne ne me parle ?]
[Les pirates ne me voient pas ! Heureusement, ils m’auraient tués sinon]
[Mort ! Je suis mort !]
[Aidez-moi ! Aidez-moi ! Je vous en supplie, aidez-moi !]
C’était plus facile à dire qu’à faire. Les fantômes étaient nombreux et bruyants. De plus, Sandra les avaient tous connus de leur vivant.
-Pourquoi me cherchiez-vous ? demanda-t-elle au pirate.
-Pour la rançon, Mademoiselle. Votre père payera un grand prix pour votre libération. Si ce n’est pas lui, ce seront les vôtres. Les Exorcistes. Vous êtes tous solidaires, n’est-ce pas ? Ils ne vous laisseront pas entre les mains de pirates sans savoir ce qu’il pourrait advenir de vous.
Il eut un sourire entendu, et les hommes ricanèrent grossièrement.
-Je n’aie pas assez de valeur pour justifier que mon peuple paye pour ma libération, répliqua-t-elle.
C’était la vérité. Des Exorcistes de dix-huit ans encore incapables de faire obéir les morts ne valaient rien pour son peuple.
-En ce cas, espérez en avoir pour votre père.
Il claqua des doigts, et ceux qui se trouvaient derrière elle la prirent par le bras. Elle se laissa faire le temps de comprendre. Lorsqu’elle réalisa qu’ils étaient en train de la mener vers leur propre navire, lorsqu’elle entendit les derniers cris des matelots qu’ils exécutaient avant de quitter le bâtiment, elle essaya encore une chose.
Elle tenta d’appeler les morts à elle, de relever les cadavres des pirates et des matelots, de les faire obéir à ses ordres. Il y eut un frémissement sur certains d’entre eux, un dernier mouvement qui aurait tout aussi bien pu venir d’elle que des ultimes frissons de la mort. Un bras, un seul, se dressa bien droit, puis retomba, inerte et sans vie.
Sandra soupira. Elle pouvait effrayer les daemons normaux, mais les Exorcistes avaient raison. Elle ne valait rien pour eux.
Elle se laissa mener sur le navire pirate, lequel arborait un drapeau sombre sur lequel se tenait une tête de mort. En dessous d’elle, un sablier blanc remplaçait les habituels os croisés. Signe que les temps des navires poursuivis étaient comptés.
[Les pirates du temps. Ce sont les pirates du temps qui nous ont attaqués !]
Sandra ne prit même pas la peine de répondre au fantôme. Elle avait reconnu le drapeau, ainsi que le nom du bateau « Le Tempus Mortis ».
Ce qui signifiait que l’homme au regard fou était Ulf, le capitaine du temps.
Elle n’avait aucune chance de survivre.
Alors, elle suivit ses geôliers vers les cales, où se trouvait une cage en fer, arrimée aux parois de bois. On l’y fit entrer sans ménagement. On la laissa seule. Le capitaine avait du réaliser qu’elle n’était pas vraiment un danger. Il avait du voir les cadavres ne pas se relever.
Et puis, il n’y avait pas un seul mort sur ce navire. Et s’il y avait des fantômes, elle ne pourrait rien faire d’autre que converser avec eux. Il fallait être bien plus puissant qu’elle pour donner corps à un fantôme.
Ces pirates avait donc bien prévu de l’attraper.
Elle se laisser glisser à terre, le dos appuyé contre la seule paroi de bois.
Son père ne paierait jamais. Il avait été trop heureux de pouvoir l’envoyer rejoindre son peuple, le peuple de sa mère, et de se débarrasser de toutes ses petites bizarreries.
Elle ferma les yeux.
Il était temps de payer le prix de l’utilisation de ses pouvoirs sur les rats.

 

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