Le pirate et l'Exorciste 1 - Bienvenue à la mort du temps 1/8

Sandra aurait dû avoir peur. Elle le savait. Pourtant, elle ne ressentait aucune crainte. Comment le pourrait-elle ? Les hommes qui avaient abordés le navire ne faisaient pas le poids contre elle. Elle aurait pu le leur prouver depuis longtemps. Mais non. Elle préférait s’amuser un peu à leur dépends. Et quand elle disait « s’amuser » , elle pensait « les terrifier ».
Tranquillement assise sur le lit de sa cabine, elle entendait les bruits des combats sur le pont. Un sourire sur les lèvres, elle anticipait la fin du combat. Les matelots de son navire perdraient, bien sûr. Ils n’étaient pas à la hauteur. Les pirates étaient plus habitués aux combats, plus entrainés, et possédaient une morale bien moins élevée. Les marins hésiteraient à tuer. Les pirates non.
Elle entendit des bruits de pas se rapprocher de la porte de sa cabine. Son sourire s’élargit. Les ombres l’entourèrent, légères, très légères. Sandra était encore jeune, trop jeune pour être véritablement puissante. Elle ne l’était sans doute pas assez pour vaincre les pirates. Avec le temps, les ombres s’épaissiraient en même temps que ses pouvoirs s’accroitraient. Alors, ils la craindraient.
En attendant, elle allait s’amuser.
Elle vit les rats se faufiler de dessous son lit. Arrivés à la porte, ils s’aplatirent, plus que ce qu’un rat normal ne peut le faire, pour se faufiler par l’interstice entre la porte et le plancher. Derrière la porte retentirent d’étranges bruits : surprise, horreur, tout y était exprimé.
Son sourire s’élargit.
-On va pas être effrayés par quelques rats, hein, les gars ? s’écria une voix grave, bravache.
-Ils étaient quand même bizarre, répondit une voix plus posée.
-Ce ne sont que des rats, répliqua la première voix.
Sur ces mots, il tenta d’ouvrir la porte. Voyant qu’elle résistait – Sandra avait tiré le verrou dès le début des hostilités – il la fracassa à coups de pieds.
Apparurent les pirates.
Sandra se redressa et leva le menton d’un air suffisant. Ses yeux de cendre les brûlaient de l’intérieur, pourtant, aucun d’eux ne dit un mot.
-C’est toi l’Exorciste ? demanda l’homme à la voix posée.
Petit et mince, le menton crochu, les bras, le torse, le visage recouvert d’un sang qui ne semblait pas le déranger, il fit un pas en avant et s’inclina, son chapeau dans la main, comme un Incube casté.
-Oui, c’est moi, répondit Sandra d’une voix dure. Que désirez-vous ?
-Vous devez nous suivre sur le pont, Mademoiselle. Notre chef veut vous voir.
Elle plaça tout le mépris qu’elle possédait dans son regard et sa posture, puis fit un pas en avant.
Les hommes reculèrent.
-Ils étaient morts, les rats, alors, chuchota un homme qu’elle ne voyait pas.
Cette fois, ils comprenaient. Ils commençaient à avoir peur.
Elle aimait ça.
Les rats filèrent entre leurs jambes et vinrent se placer derrière elle. Debout sur leurs pattes arrière, les pattes avant agrippées à ses chevilles comme s’ils étaient humains, ils regardaient les pirates de leurs petits yeux noirs et menaçants en poussant des couinements stridents.
Leurs chaire était pourri, l’un d’entre eux avait un oeil qui pendait hors de son orbite, un autre montrait ses dents sans ouvrir la gueule, un autre encore était amputé d’une patte…
Morts, oui. Mais mouvant.
Comme seul un Exorciste est capable de faire.
-Je vous suis, messieurs, dit-elle poliment.